
L'Etat Islamique des Comores est un pays-archipel que l'on peut qualifier de "préservé" du monde moderne, avec ses avantages (pas d'industrie, nature plus ou moins intacte et pas de tourisme) mais aussi ses inconvénients ou difficultés lorsqu'on débarque d'un pays aussi organisé que la Suisse. C'est toujours très pédagogique pour nous et nos enfants de visiter un pays comme celui-là où les choses qui nous paraissent d'une évidence et d'une simplicité enfantine comme se nourrir, avoir de l'eau potable ou de l'électricité, sont ici un défi permanent. Les Comores, c'est l'Afrique, mais avec une mentalité insulaire, et donc nous devons aussi lutter contre notre façon de penser de bon suisse travailleur qui aime la propreté, la ponctualité, et les choses bien organisées. Au Comores, personne n'a l'idée de ramasser les déchets qui jonchent les rues en terre battues des villages et des alentours, le plastique ayant tout de même, hélas, fait son apparition dans ce monde reculé. Il y a très peu d'artisanat, et également très très peu de plantations permettant un roulement dans l'apport des aliments de base. Pratiquement tout est importé, des îles voisines un peu plus "travailleuses" ou alors d'Asie ou du Proche-Orient. L'électricité est distribuée seulement une partie de la journée, et est produite grâce à des génératrices à mazout (quand il y en a).
Après environ deux semaines sur place je me suis bien acclimatée et habituée à affronter le regard amusé des mohéliens lors de mes footings matinaux; en effet, le jogging, tout comme tout autre activité de "loisir" est perçue comme un peu étrange ici et tout à fait inutile. Nous logeons au Laka Lodge, le seul "hôtel" de Moheli qui est constitué d'une dizaine de bungalows et au sein duquel nous pouvons nous sentir libres dans nos tenues d'européen et où nous pouvons nous baigner en bikini. Les femmes ici ne se baignent pas et ne montrent jamais plus que leurs bras nus. Elles portent le foulard, généralement très coloré, pour certaines de façon très libre flottant sur la tête et pour d'autres, de manière plus stricte fixement accroché sous le menton.
Sur le sentier je croise le vieux berger avec ses chèvres. Puis je longe l'arrière de la mangrove, dont le sol est percé par les trous de crabes, et qui rejoint, en contournant le baobab couché, la seule route, ou ce qu'il en reste, qui fait le tour de l'île.
Je croise quelques villageois. Certains portent des chargement de bois ou de feuilles qui serviront à cuisiner ou consolider leur maison. Il y a du monde partout, des hommes, des femmes, sur la route ou dans la forêt. Sous un petit pont au bord de la rivière, les femmes font la lessive et font sécher leur linge sur les rochers de basalte noir. Je croise les regards moqueurs des lycéens qui se rendent à l'école...
Une des choses à laquelle j'ai dû m'habituer, c'est que la plupart des gens que je croise se baladent avec une machette à la main. Cela pourrait être un peu effrayant mais on s'aperçoit assez vite qu'elle ne sert pas à égorger les joggeuses, car leurs propriétaires sont empreints de gentillesse, et qu'il ne s'agit que de leur (seul) outil de "travail". D'ailleurs, même les femmes ont une machette, mais elle est élégamment posée en équilibre sur leur tête, car souvent elles portent encore soit un gros sac de linge, ou un tas de bois sous un bras, avec un enfant dans l'autre.
Ce matin, j'ai même un partenaire d'entraînement ! Je me retourne et aperçois un jeune homme en train de vouloir me rattraper au sprint, pieds nus et tongues dans les mains. Je l'attends et lui demande:
- Tu veux courir avec moi?
- Oui!
- Tu n'as pas mal aux pieds?
- Oui!
Il ne parle pas beaucoup français et je comprends que la conversation ne sera pas d'un très grand niveau mais cette présence improvisée me motive. Il m' accompagne durant 3-4km, pieds nus sur le goudron. J'ai tout de même appris qu'il s'appelait Djébré, qu'il se rendait chez sa mère dans le village d'à côté. Grâce à moi il aura gagné trente minutes sur son trajet habituel, mais il aura peut-être un peu mal aux pied.
Sur le retour je croise encore quelques familles, des lycéens, des hommes ou des couples à moto, le moyen de transport le plus répandu sur l'île. Des femmes sont en train de cueillir les fleurs d'ilang-ilang, qui seront distillées pour en faire de l'huile essentielle. Malheureusement, comme toujours, les plantations d'ilang-ilang se sont développées de manière exponentielle ici, sans qu'il y ait eu d'étude d'impact ou d'organisation bien réfléchie, ce qui a pour conséquence une déforestation rapide (le bois est utilisé pour distiller) et une érosion excessive, impliquant une pollution des côtes due au détritisme. Je termine mon plus long footing ici, 50 minutes, épuisée par les conditions climatiques et ma tenue pas tout à fait adaptée à une performance optimale. Mais c'est toujours mieux que rien. Je me "rafraîchis" dès mon arrivée au bungalow dans la mer, qui est tout de même à 28 degrés.
Bonjour Magali ! Alors, plus de nouvelles sur ce blog que je viens de découvrir ? Bravo pour votre magnifique carrière et bravo de conserver encore l'enthousiasme et le plaisir après toutes ces années ! J'ai terminé juste derrière vous aux 10km de St-Maurice, et je serai au départ des 20km dimanche, mais je doute pouvoir vous suivre :-) Je vous souhaite d'avance une belle course et encore bien du bonheur dans notre magnifique sport ! Julien Schroeter, juliens@netplus.ch
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